Diaby Almamy, le « papa des microbes »

Article : Diaby Almamy, le « papa des microbes »
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7 juillet 2017

Diaby Almamy, le « papa des microbes »

Yopougon. Wassakara. Un des sous-quartiers les plus pauvres de la commune la plus vaste d’Abidjan. Dans cette bourgade comme dans tout autre, le constat semble le même : l’anarchie règne en maître. Par-ci des badauds, torses nues, jouent à même le sol, sans se soucier de leur santé. Par-là, des jeunes gens assis autour du thé, parlant à bâtons rompus. Parfois des éclats de rire surgissent au cœur du « grin ». C’est dans ce climat que nous arrivons au siège de l’Ong Nouvelle Vision contre la Pauvreté (NVCP) situé à Wassakara.

Au fait, cette situation géographique n’est pas le fruit du hasard. En effet, Wassakara fait partie des bastions des enfants appelés « microbes ». Ces « microbes » pourchassés de toute part depuis un certain temps, ont retrouvé refuge dans ce quartier. Mais à beau chasser le naturel il revient au galop. Ces jeunes n’ont pas réussi à s’adapter au quartier que l’artiste rappeur ivoirien Billy Billy chante avec humour ; où la pauvreté est la chose la mieux partagée,…et le vice aussi.

Cet espace autrefois paisible, s’est transformé peu à peu en un nid de violences avec la naissance de fumoirs. Car le phénomène des enfants microbes est inéluctablement lié au trafic de drogues. Puisque l’oisiveté est la mère de tous les maux. Par ailleurs, il faut reconnaître la cause liée à la crise post électorale où ces jeunes gens servaient d’indic aux groupes armés opposés les uns aux autres. Une fois la crise terminée, ces adolescents pour la plupart se sont retrouvés abandonnés, sans issue. C’est ainsi que la violence est devenue un moyen pour eux de s’exprimer, et surtout d’avoir leur part du « gâteau ».

Revenons à notre sujet, l’Ong Nouvelle Vision contre la Pauvreté. Elle est forte d’une dizaine de personnes sous la coupole de Diaby Almamy, imam adjoint de la mosquée de l’AEEMCI (Association des Elèves et Etudiants Musulmans de Côte d’Ivoire) dans la commune du Plateau.

Diaby Almamy, « papa microbe »

S’il y a une personne qui connait bien ces jeunes appelés « microbes » pour leurs actions néfastes, c’est bel et bien Diaby Almamy. C’est un homme barbu, fidèle à ses lunettes qu’il ne quitte jamais…sauf pour dormir, bien sûr ! Le siège de l’Ong est de deux pièces. A l’entrée une secrétaire nous accueille. Tout juste derrière la secrétaire, un tableau qui relate en images les différentes activités menées depuis son existence en 2009. C’est vrai que l’association a plusieurs champs d’action. Mais son combat pour la réinsertion des « microbes » remonte à 2012. Nous sommes à un an de la crise post électorale. Pendant que les populations sont sous le choc de la guerre, voici un autre phénomène qui va couper le sommeil à plus d’un dans les communes populaires : la montée en puissance des attaques à l’arme blanche pour les uns, ou à la machette pour les autres. Les femmes qui étaient matinales auparavant, n’arrivent plus à obéir à ce rituel à cause de ces adolescents qui les dépouillent de toute leur bourse. C’est ainsi que Diaby Almamy prend son bâton de pèlerin pour répondre aux cris de souffrance de la population surtout celle de son quartier natal : Wassakara. Quartier qui l’a vu naître.

Cela fait plus de 03 ans que le phénomène perdure. Même après un moment d’accalmie grâce notamment aux campagnes de sensibilisation menées de main de maître par l’Ong Nouvelle Vision contre la Pauvreté. Qui a pu encadrer près de 200 enfants. Certains sont arrivés à sortir de cette ornière, et d’ailleurs d’autres ont été pris en charge par le centre de réinsertion des mineurs situé à Dabou. L’imam refuse le terme de « microbes », car selon lui, cela vient en rajouter à leurs maux, surtout que cette « étiquette » n’encourage pas au repentir.

Ainsi l’objectif de l’Ong peut être jugé positif en ce qui concerne la prise en charge des « microbes ». C’est du moins ce que l’on puisse dire. Mais la nature a horreur du vide. Il entend donc poursuivre des actions pour « tuer dans l’œuf ». Et depuis lors, des activités mensuelles et annuelles meublent la vie des jeunes du quartier wassakara.

Quel avenir pour la jeunesse ?

Du chemin a été parcouru. Notamment l’organisation en juillet 2013 avec le concours de l’ONUCI du séminaire de sensibilisation des populations et forces de sécurité sur l’effet dévastateur des enfants « microbes ». Plusieurs jeunes issus des communes d’Abobo, Adjamé, Attécoubé ont reçu des bons de permis de conduire. Objectif : freiner l’évolution de ce fléau et installer un climat de tranquillité dans les quartiers, par l’insertion de ces enfants ainsi que les ex-combattants, à travers le financement de projets emploi-jeune et mener des campagnes de sensibilisation dans les lieux de cultes.

Mais il reste beaucoup à faire, à en croire l’imam Diaby Almamy. Pour qui, il faut des actions conjuguées pour lutter contre le chômage, le désœuvrement de la jeunesse. Même s’il reconnait que l’Etat de Côte d’Ivoire mène depuis quelques temps une chasse aux microbes, le guide religieux estime que cela n’est pas la panacée. C’est pourquoi, il propose surtout l’expertise des leaders religieux, qui au lieu de rester percher sur le minbar, doivent « descendre dans la rue pour impacter véritablement la population ». Car « le plus souvent leurs sermons sont en déphasage avec la réalité présente, surtout les maux qui minent la société », martèle-t-il.

Lama

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