Côte d’Ivoire : le cumul de postes, une plaie de la gouvernance

Article : Côte d’Ivoire : le cumul de postes, une plaie de la gouvernance
Crédit: Wikicommons
29 décembre 2023

Côte d’Ivoire : le cumul de postes, une plaie de la gouvernance

Le cumul de postes au sein de l’appareil politique ivoirien, un phénomène prédominant dans le nouveau gouvernement ivoirien dévoilé le 17 octobre 2023, suscite des interrogations quant à sa légitimité et ses conséquences.

À la lumière de la définition donnée par le Larousse, un poste représente non seulement un emploi mais également un lieu où s’exerce une activité spécifique. Cependant, en Côte d’Ivoire, cette notion évolue vers une réalité complexe : celle du cumul, où les ministres occupent simultanément des postes tels que maires, députés, présidents de conseil régional, instaurant ainsi un phénomène de « cumulards ».

Un rapide décompte mathématique met en lumière l’ampleur de cette pratique. Sur les 33 ministres en poste, 75,75% cumulent au moins une autre fonction élective, à savoir le mandat de député. Encore plus frappant, 48,48% d’entre eux occupent deux postes électifs distincts, allant de la mairie au conseil régional. Cette tendance, illustrée par le Premier ministre lui-même, qui cumule le poste de député-maire, soulève des questions sur la conformité avec la législation en vigueur.

Composition du gouvernement ivoirien du 17 octobre 2023
© Présidence de la République de Côte d’Ivoire

Que dit la loi sur le cumul de postes ?

La loi ivoirienne sur le cumul de postes, régie par la loi organique n° 2014-125 du 14 février 2014, interdit explicitement le cumul de certaines fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur. L’article 23 du chapitre 7 du code électoral souligne cette incompatibilité, énumérant les fonctions exclues du cumul, notamment les membres du Conseil constitutionnel, de la commission électorale indépendante, et de cabinets ministériels.

Des exemples concrets, tels que le départ de Kandia Camara, désignée présidente du Sénat, et de Zoro Epiphane Ballo, nommé président de la Haute Autorité pour la Bonne Gouvernance, illustrent comment cette législation influe sur les nominations et les remplacements au sein du gouvernement. Cependant, ce phénomène peut devenir un piège complexe, où les suppléants, tout en maintenant une influence limitée, restent tributaires des décisions du titulaire.

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Kandia Camara s’exprimant lors d’une conférence de presse conjointe avec le ministre turc des Affaires étrangères, à l’issue de leur rencontre à Ankara le 15 mars 2022 (Image d’illustration).  
© ADEM ALTAN / AFP

Un piège complexifié : les défis du remplaçant

Le cumul de postes, en plus de soulever des questions juridiques, entretient un cercle vicieux où la loyauté du remplaçant est cruciale pour préserver son statut. En effet, personne ne possède le don d’ubiquité (être partout à la fois) malgré l’avancée technologique. Alors, pour maintenir son influence au sein de l’appareil politique, certains vont jusqu’à exercer des pressions sur le suppléant.Ce jeu de chaises musicales maintient l’ombre du titulaire même après son départ, ses ex-collaborateurs demeurant ses yeux et ses oreilles.

La déclaration des patrimoines instaurée par l’Etat de Côte d’Ivoire n’a pas encore atteint sa vitesse de croisière. Selon la Habg, environ 20% des assujettis n’ont pas rempli cette obligation constitutionnelle.

« Pour qu’on ne puisse pas abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir », conclut de belle manière Montesquieu.

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Lama

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