Cissé Djiguiba, l’Imam qui lutte contre l’excision en Côte d’Ivoire

Article : Cissé Djiguiba, l’Imam qui lutte contre l’excision en Côte d’Ivoire
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3 octobre 2017

Cissé Djiguiba, l’Imam qui lutte contre l’excision en Côte d’Ivoire

Cissé Djiguiba, l’une des grandes figures de l’islam en Côte d’Ivoire. Il n’est pas seulement connu dans la sphère religieuse, mais aussi pour sa lutte contre l’excision et les Mutilations Génitales Féminines (MGF).

Certains pourraient avoir du mal à comprendre qu’un religieux, surtout musulman, se batte contre l’excision, tant les préjugés à propos de la position de l’islam sur l’excision est confuse.

La prise de position de Cissé Djiguiba, ce leader religieux charismatique a surpris beaucoup de personnes et même parmi ses pairs Imams au sein du Conseil Supérieur des Imams de Côte d’Ivoire (COSIM). Grâce à sa patience et une lutte acharnée, il a fini par s’imposer à tous, et à convaincre du bien fondé de son combat.

Cissé Djiguiba sensibilise depuis des années sur les Mutilations Génitales Féminines (MGF)

Ce combat remonte aux années 2000 lorsque Cissé Djiguiba participe à une conférence internationale à Abidjan sur les conséquences de l’excision de la petite fille. Terrifiée par les méfaits des mutilations génitales féminines, le guide religieux décide de s’engager.

« Même s’il s’agit d’un tabou, il faut briser le mur pour mettre à nu ce que les gens pensent normal alors qu’en dessous il se passe beaucoup de choses, de drames parfois, de mort d’hommes. C’est de là que tout est parti », avoue-t-il.

« En vérité, l’excision n’a aucun bénéfice ni sur le plan médical, encore moins psychologique. On ne tire que souffrance et malheur. La pratique se fait sur un organe qui est sensible, fragile. Une fois coupé, le sang gicle comme un animal immolé. Ensuite, la pratique n’est pas anesthésiée. Enfin, il faut attraper les quatre membres et la tête de la petite fille pour lui couper le clitoris. Beaucoup y perdent la vie dans ces conditions », regrette Imam Cissé.

Le guide religieux sensibilise également au cours du sermon du vendredi à la Mosquée

Pour lui, l’excision a été longtemps confondue avec les pratiques religieuses.

« Des personnes prétendent que c’est religieux. Je réponds que ceux qui ont vu et ceux qui n’ont pas vu la pratique de l’excision ne sont pas pareils. Moi j’ai une somme d’expérience de cette pratique. Je me suis entretenu avec les exciseuses. J’en ai vu les conséquences à court, moyen et long terme. Et je sais également qu’il y a mort d’homme. Par conséquent, l’Islam ne peut cautionner une telle pratique qui cause des pertes en vies humaines et qui enlève à la femme une grande partie de sa féminité. L’Islam est pur, alors il ne faudrait pas souiller le nom de notre belle religion », martèle le guide religieux.

En 2001, il créé la fondation Djigui La Grande Espérance, consacrée à la prise en charge des personnes vulnérables, et notamment les filles excisées. En 16 ans d’existence, la fondation a parcouru les différentes régions de la Côte d’Ivoire. Le nord et l’ouest du pays constituent le terreau fertile des mutilations génitales. Mais grâce aux sensibilisations, les exciseuses ont pris l’engagement de ranger le couteau dans les placards et se reconvertir dans d’autres activités. « Reconversion de 5 exciseuses dans la région du Kabadougou en tant agent de sensibilisation ; en 2005, 8506 personnes (65% femmes) touchées et sensibilisées sur les pratiques traditionnelles néfastes et les MGF/Excision dans le Département d’Odienné ; en 2006, 6541 personnes (56% femmes) touchées et sensibilisées sur les MGF/Excision (MGF) dans le District d’Abidjan ; en 2006, 15682 personnes (66% femmes) sensibilisées et touchées dans les départements de Seguéla, Odienné et Danané etc. » peut-on lire dans le rapport d’activités de la Fondation située à Marcory Résidentiel, l’une des communes huppées d’Abidjan.

Imam Cissé, Dg de radio Albayane, met l’accent sur la communication pour le changement de comportement

Selon l’imam Cissé Djiguiba, le phénomène des mutilations génitales est en perte de vitesse aujourd’hui. « Il finira par mourir de sa belle mort ! »

Rappelons que la loi ivoirienne n°98/757 promulguée le 23 décembre 1998 prévoit que toute atteinte à l’intégrité des organes génitaux d’une femme, par voie de mutilation totale ou partielle, excision, désensibilisation ou tout autre pratique, si elle s’avère sanitairement néfaste, est passible d’une peine d’emprisonnement de un à cinq ans et d’une forte amende (de 360 000 à 2 millions de FCFA, soit environ de 550 à 3 060 euros). La peine est portée de cinq à vingt ans d’emprisonnement si la victime meurt des suites de son opération.

Lama

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