Les « gbakas » ou les marchands de la mort

Article : Les « gbakas » ou les marchands de la mort
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16 mai 2016

Les « gbakas » ou les marchands de la mort

Les minis cars, communément appelés “Gbakas” en Côte d’Ivoire, assurent la liaison entre les différentes communes d’Abidjan, parfois même en dehors de la capitale économique ivoirienne. Leur avènement date des années 80. D’ailleurs le célèbre chanteur ivoirien “Daouda le Sentimental” évoque ce phénomène dans l’une de ses chansons phares.

Le Gbaka rend des services énormes aux populations. Il est moins cher : avec 100F, 200F, on peut rejoindre rapidement son lieu de travail ou son domicile. Le secteur du transport ivoirien étant marqué par l’anarchie, on assiste à la flambée des prix aux heures de pointe. La loi du marché oblige. Là n’est pas ma chronique du jour.

Je voudrais interpeller, si besoin est, de la tragédie qui tourne autour de ce secteur. Jadis, c’étaient des personnes assez matures – des adultes – qui conduisaient les “Gbakas”. Elles avaient un sens de la responsabilité, et surtout du respect de la vie humaine. Mais aujourd’hui, ces personnes ont dû abandonner les “Gbakas” pour plusieurs raisons, si certaines sont parties à la retraite, d’autres – la majorité – ont mis la clé sous le paillasson tout simplement à cause du secteur qui est devenu dangereux.

En effet, les nouveaux chauffeurs, des jeunes pour la plupart, n’ont aucun respect pour la vie humaine. La course à la richesse oblige. Chacun veut faire toujours plus de profit, au détriment de la vie humaine. Les propriétaires de Gbakas (appelés témérairement “Djoulatchè”) sont très exigeants à propos de la recette. Quatre chauffeurs sur chaque Gbaka. La recette pour chacun s’élève à 15 000F par jour. Ajouter à cela les “gombos” du conducteur. Pour ce faire, la fin justifie les moyens. On est prêt à tout pour se faire de l’argent.

Dès 04H du matin, la journée commence avec des excitants pour être éveillé au volant. Dans ce milieu les sachets d’alcool et de drogue coulent à flots. On ne se cache même plus pour prendre sa “dose”, cela se fait au su et au vu de tout le monde. Une fois au volant le Gbaka est mis à lourde épreuve : toutes les vitesses sont utilisées pourvu qu’on  embarque plus de clients avant les autres concurrents. A bord, l’apprenti chauffeur n’est pas en reste, il crie à tue-tête pour attirer les éventuels passagers. Une fois à bord, plus aucun respect pour le client.

Au dehors, les jeunes chargeurs (appelés “Gnambros”) ne laissent aucun répis aux Gbakas. Chaque chargement est taxé entre 100F et 300F, même si c’est un seul passager à bord. Toutes ces pressions finissent par achever le conducteur, qui doit coûte que coûte enregistrer davantage de recettes afin de supporter les charges. Et bonjour les dégâts.

La dernière en date, c’est un carambolage entre un Gbaka et un gros camion, le vendredi 13 novembre 2015 à Cocody. Un accident qui aurait fait une vingtaine de blessés graves. Selon un témoin, le chauffeur et l’apprenti étaient presque inanimés. Dans la même semaine, à Abobo, un autre Gbaka s’est fait écrasé au contact d’un autre gros camion. Tous les passagers ont trouvé la mort.

Il est temps d’arrêter ce cycle de deuil des populations. Les jeunes gens au volant n’ont aucune formation en la matière. De nos jours, les permis de conduire sont livrés comme des petits pains. Les agents de police commis à la sécurité routière s’intéressent plus au racket qu’à leur travail. Les “gnambros” pululent dans les gares routières et sur tous les points de rassemblement, rien que pour racketter les “Gbakas”.

Dire qu’il faut supprimer les “Gbakas” de la circulation est une illusion. Mais on peut réduire leur pouvoir en développant le transport en commun comme par exemple les trains urbains.

Lama

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Commentaires

Benjamin Yobouet
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Bien dit très cher, ça fait de plus en plus peur avec les "gbakas"

Bien à toi :)