La politique ivoirienne ou la « mangecratie »

Article : La politique ivoirienne ou la « mangecratie »
Crédit: Lama
5 septembre 2017

La politique ivoirienne ou la « mangecratie »

La « mangecratie », un terme utilisé pour la première fois par l’artiste reggae ivoirien Tiken Jah Fakoly en 1999 dans son premier album. Elle désigne en effet le comportement des nouveaux politiciens africains dont le seul but est de conquérir le pouvoir et « manger » avec ses amis, alliés, son clan, sa famille.
Le RHDP et ses mangeurs
En un mot, c’est lorsque la politique devient un marché où chacun vient se servir au détriment de la population. La récente sortie d’un proche d’Alassane Ouattara vient corroborer cette thèse. Il s’agit de Cissé Bacongo au cours d’un meeting avec ses militants. Voici en substance ce qu’il dit : «Les gens se lèvent matin midi et soir ils parlent d’alternance en 2020. C’est-à-dire toi il faut te lever moi je vais m’asseoir. (…) On est tous les deux assis, on est assis ensemble, on mange ensemble, toi-même tu manges plus que moi, tu es devenu clair, tu es devenu rond, tu brilles, tu n’as aucune charge, on te donne seulement tu manges, tu manges, tu manges, tu n’arrives même pas à respirer correctement et pendant qu’on mange tu dis : lèves toi. Pourquoi je vais me lever ? Dis-moi pourquoi je vais me lever ? ça veut dire que tu veux manger seul ! Donc comme tu veux manger seul, ça veut dire comme moi je suis là pour le moment je vais manger seul. C’est ça non ?….. »

La pomme de discorde : 2020
En tant qu’apprenti sorcier en communication politique, l’analyse de ce discours montre la face cachée des alliances politiques en Côte d’Ivoire. Cissé Bacongo faisait référence à l’alternance au pouvoir avec l’allié du PDCI. Pour rappel, « l’appel de Daoukro » prononcé par Henri Konan Bédié, en 2014, a permis à Alassane Ouattara d’aller en roue libre à l’élection présidentielle de 2015. Cet accord stipulait l’alternance en 2020 au profit du PDCI. Mais depuis quelques temps, les deux grands partis alliés (RDR & PDCI) se mènent une guerre de tranchée marquée par des rhétoriques audacieux, comme celles de Cissé Bacongo.

L’histoire des alliances politiques en Côte d’Ivoire
Justement, comme je le disais, l’histoire des alliances politiques commencent entre le FPI, parti de Laurent Gbagbo et le RDR d’Alassane Ouattara de 1994 à 1998. Une coalition qui sera dénommée « le front républicain ». Objectif : fragiliser le parti au pouvoir d’alors, le PDCI et faire tomber Henri Konan Bédié, chef d’État à cette époque. La suite, on la connait. Bédié fait face à cette adversité et perd en fin de compte le pouvoir suite à un coup d’État. Quelques mois plus tard, le divorce est consommé entre le RDR et le FPI. La pomme de discorde : la gestion du pouvoir post Bédié où chacun veut aller en roue libre. Avec l’arrivée au pouvoir du FPI de Laurent Gbagbo, le RDR à son tour tisse alliance avec le PDCI, son ennemi d’hier. Objectif : conquérir le pouvoir d’Etat en fragilisant Laurent Gbagbo. Coup réussi en 2010. Le RDR et le PDCI parviennent au pouvoir, en évinçant le FPI. Après quelques années de co-gestion du pouvoir, revoilà les hostilités qui reprennent de plus belle. La pomme de discorde : la présidentielle de 2020.

Manque de maturité politique
A l’analyse, la politique ivoirienne ainsi que ses « politiciens » manquent de maturité. Chaque parti cherche à conquérir ou se maintenir au pouvoir, souvent au prix d’alliances contre productives. Il est vrai que les idéologies politiques, telles le communisme, le libéralisme, le socialisme, sont en perte de vitesse. N’empêche que chaque camp reste attaché à ses fondamentaux. C’est le cas en France, avec la droite, la gauche, le centre. Ou même aux Etats-Unis avec les Républicains et les Démocrates. Chez nous en Côte d’Ivoire, l’essentiel est de parvenir au pouvoir pour « manger », seul ou avec quelqu’un.
C’est sans doute qui explique le désintérêt des populations pour la chose politique. Dans l’imaginaire ivoirien, la politique rime avec mensonge, coup bas, crime, hypocrisie, trahison, méchanceté, et surtout l’égoïsme.

Revenir aux valeurs de la politique
Pourtant la politique c’est la gestion de la Cité pour le bonheur des populations. Il est vrai qu’on ne peut pas tous partager le même point de vue sur un sujet. En revanche, notre différence loin d’être source de conflit doit être une richesse à cultiver. L’intérêt de la nation nous pousse à faire des concessions et à trouver un minimum de consensus pour le bonheur des populations.
A quand une nouvelle génération de politiciens en Côte d’Ivoire ?

Lama

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